La Formulation et la circulation des sens liés à la pandémie : l’imaginaire mis au premier plan

Ademir Antônio Veroneze Jr.,
Cláudio de Alencar Pádua

Abstract

Dans cette conférence, Eni Puccinelli Orlandi nous offre un exemple d’analyse discursive des textes collectés sur le réseau social Facebook liés à la pandémie du Covid-19, celui-ci est un événement de l’actualité qui est mis en évidence dans les discursivités. Autour de cet axe, des questions sont traitées, en ce qui concernent : la pertinence d’étudier la circulation des sens et la façon dont ils sont formulés ;  l’importance de tenir en compte la relation entre la langue et la société afin d’expliquer, par exemple, comment les sujets traversés par les théories du complot se rapportent aux relationspolitiques dans le discours; la distinction entre la fantaisie et l’imaginaire et le rôle que celui-ci joue dans l’augmentation de la volatilité des interprétations et dans la dilution du réel. À ce propos, on reprend des notions consolidées dans le domaine de l’analyse du discours, parmi lesquelles on peut trouver quelques-unes développées par l’auteur elle-même, dont le travail a apporté les études de la paraphrase et la polysémie, du silence et parmi d´ autres.

Texte

Dès le début de la pandémie du Covid-19, la communauté scientifique mondiale a dû faire face à des contraintes sur des diverses activités. Dans ce scénario, les conférences en ligne présentées par des chercheurs réputés, comme celles qui sont organisées par l’Association Brésilienne de Linguistique (Abralin), resurgissent comme des oasis en plein désert. Le discours d’Eni Puccinelli Orlandi a été reçu par ses interlocuteurs comme une source de résilience et d’instruments théoriques et méthodologiques pour le développement dans le domaine de l’Analyse du Discours (AD). À l’égard de son sentiment d’étrangeté par rapport à la télécommunication face à son expérience de l’interaction présentielle, elle a incité son public à se faire présent soit par des conversations dans cette occasion, soit, partout dans le monde, par des travaux scientifiques qui peuvent aller au plus loin possible.

Orlandi[1] a traité aussi de l’interactivité, ainsi que du réseau d’information, en tant que des notions liées à la circulation des sens. C´est le thème qui concerne sa présentation. Elle a souligné que les analystes du discours ne doivent penser qu’à la façon dont les sens sont formulés, mais y compris à la façon dont ils circulent. Dans la mesure où on comprend la pandémie comme un événement qui a dominé les discursivités, on dirait qu'elle nous donne des exemples de mots et de significations contaminés. On pourrait parler des sens du mot domicile, qui prend principalement, dans nos jours, la signification d’abri, d’un endroit sûr. Un autre exemple, c’est l’utilisation de l’expression l'isolement social – qui est parfois acquise par la distanciation sociale. Il faut se demander ce qui est l’isolement social : ce n´est pas la réelle situation dans laquelle la majorité de la population vit dans ses « communautés » ? L’auteur voit ces exemples comme des processus de métaphorisation, en supposant que les sens ne sont pas dans les mots, mais dans les relations qui sont établies entre eux, parce qu’ils parlent les uns aux autres en produisant des transferts de significations et des malentendus. Ainsi, elle explique: « on est trempé dans une soupe aux mots des sens pandémiques ».

La conférencière a décrit un cadre de guerre d’information et de campagnes de désinformation, qui produisent des émotions en reliant les sujets aux écrans et aux réseaux sociaux. Cependant, il y a d’autres conséquences. Le fonctionnement de l’imaginaire sur la discursivité actuelle se rend plus fort et déclenche des gestes d’interprétation métaphorisant des événements réels comme la pandémie. Pourtant, au-delà de la multiplicité de versions des textes en circulation, dérivés de la tension entre les processus paraphrastiques et polysémiques (c’est-à-dire, la tension entre la répétition du même et la rupture qui prélude des nouvelles significations). Orlandi attire l’attention sur la dilution du réel par les effets de la volatilité des interprétations. À fin de rendre le problème plus clair, elle présente l’analyse de deux textes reliés à la pandémie, tous les deux ont été collectés sur le réseau social Facebook, et dans lesquels elle identifie un thème en commun : la conspiration.

Le premier texte a été écrit par Malu Aires, une femme connue du grand public dans le domaine artistique en tant que compositrice et chanteuse. Elle introduit son texte par cette assertive : « Bolsonaro cache sa maladie depuis le début de l’année 2018 ». Cela sonne comme un texte en gros titre, car cette déclaration qui se déroule avec la conjecture d'un Brésil se fanant dans un futur proche, à cause de la pandémie ou par la répercussion politique de la mort de Bolsonaro, en conséquence de sa maladie (dite cachée autrefois). « Il était nécessaire que le génocidaire n’ait pas été diagnostiqué avec une maladie grave qui nuirait à sa candidature », déclare Malu. Cette hypothèse imaginée et complétée par la formulation de « génocidaire », souligne Orlandi, apporte unsens de pandémie, parmi d´ autres. Dans le récit, Bolsonaro cache la maladie jusqu’à ce que la « fakada1 » apparaisse. L’analyste souligne que l’utilisation de la lettre « K » pour décrire et nommer le fait produit l’effet de la nier – en l’associant au mot « faux » – au même moment de l’interprétation. Un autre point fort de ce premier mouvement d’analyse est l’observation qu’une théorie du complot est mise en pratique, constituant dans le texte un aspect similaire à celui de la rumeur concernant la circulation du fait : la nécessité d’un déclencheur social, c’est-à-dire le fonctionnement conditionné à la propagation, qui devient virale.

En ce qui concerne le deuxième matériel analysé, une vidéo accessible à partir d’un post sur Facebook, présentée par Maria Homem, dans laquelle Maria parle de sa position-sujet de psychanalyste. Elle ne propose pas de théories du complot, mais elle fait des inférences – et la façon dont elle le fait est précisément une équivalente que Orlandi a souligné. On suppose que c’est à partir de l’imagination que le sujet s’est dirigé vers la fantaisie, car les dictons dans la vidéo commencent à plusieurs reprises de la même manière – « Imaginez que... » – dans un essai de conduire ceux qui la regardent à imaginer quelque chose qui n’a pas été dite, mais qui est suggérée. C’est bien là où le silence – une autre notion abordée par Orlandi dans des études précédentes – signifie le même. Les mots chinois et Chine remplissent les lacunes avec le but d’identifier les méchants dans le récit de la conspiration que le coronavirus vient de la Chine et que celle-là l’a propagé volontairement. Ensuite, la psychanalyste nous donne le concept de conspiration et nous raconte son point de vue sur le sujet : supposant que le sujet est incapable de supporter le hasard, il préfère imaginer (fantasmer) une main puissante à laquelle il peut rendre des comptes. Alors, tandis que les interprétations d´un parti pris conspirationniste dans la vidéo sont basées sur des fantasmes, dans le premier texte, elles s’appuient sur des vérités supposées.

C’est à ce moment-là que Orlandi fait converger les considérations initiales et les commentaires analytiques vers une distinction cohérente sur la notion d’imaginaire dans l’AD, mélangées à d’autres compréhensions, comme la fantaisie – en tant que la rêverie, l’espace de l’évasion de la réalité reprend un sens négatif pour la psychologie en général; ou bien du sens positif, en tant qu’un espace à explorer pour la création artistique et pour le retour à la réalité dans un contexte de traitement, selon Sigmund Freud[2]. En revanche, dans l’AD, l’imaginaire est assumé comme une pratique inhérente, celle qui est constitutive du sujet, comprenant l’impossibilité de signifier sans imaginer. Le sujet projette des images de lui-même, des autres et de celui dont il parle. Dans le cas du premier texte analysé, par exemple, Orlandi observe que ce qui domine la relation du sujet avec le politicien ce sont des images faites du président et de sa maladie, de son agression soufferte à l’arme blanche et des élections.

La production des images est faite selon l’idéologie, la relation inconsciente que les sujets entretiennent avec la langue et l’histoire. C’est-à-dire que ces images sont constituées et basées des effets de la preuve produits par un dispositif idéologique présent sur tous les sujets. À savoir : 1) l’effet de la transparence, dans lequel le sens apparaît comme s’il y était déjà là – donc, pour le sujet, ce qu’il dit ne pouvait être que cela et pas d´ autre chose ; 2) l’effet dans lequel le sujet se prend par l’origine du discours, sans se rendre compte que la prise de mots est basée sur le dicible, du déjà dit. Ici, on peut parler, donc, d'une double illusion. Par conséquent, l’enjeu se fait où les sujets s’identifient à certaines significations et leur enlèvent également.

À partir des illusions et des identifications, on arrive à des convictions, qui sont maintenant largement diffusées dans des arguments de toutes sortes. En se servant de Friedrich Nietzsche[3], celui-ci attribue les convictions au statut des ennemis de la vérité, étant plus dangereux que le mensonge, Orlandi avertit qu’elles sont des pièges et souligne que les sens ne sont ni uniques ni fixes. Cette alerte touche, certainement, la question de la dilution du réel2 et l’évanescence des faits en raison des effets de la volatilité des interprétations, avec une forte présence de l’imaginaire dans les arguments de l´actualité, c’est-à-dire avec le chevauchement du fait par les images qui sont faites. C’est le cas des interprétations qui conduisent à la suspicion, habituelles dans les textes dont le thème est la conspiration. Enfin, à la limite de son explication, Orlandi a souligné que son étude et les dialogues possibles lors de l’événement ont permis de comprendre comment, dans cette conjonction capitaliste de la pandémie et avec les processus de signification expliqués par elle, l’homme s’interroge du sens de son humanité et de sa recherche de la liberté.

References

FREUD, Sigmund. Projeto para uma psicologia científica. Ed. standard brasileira das obras psicológicas completas de Sigmund Freud. Tradução de J. Salomão. Rio de Janeiro: Imago, 1996. v. 1.

GADET, Françoise; PÊCHEUX, Michel. A língua inatingível – O discurso na história da Linguística. Tradução de B. Mariani et M. E. C. de Mello. Campinas: Pontes Editores, 2004.

NIETZSCHE, Friedrich. Humano, demasiado humano. Tradução de P. C. de Souza. São Paulo: Companhia das Letras, 2005.

VOLATILIDADE da interpretação: política, imaginário e fantasia. Conferência apresentada por Eni Puccinelli Orlandi [s.l., s.n], 2020. 1 vídeo (1h 55min 08s). Publicado pelo canal da Associação Brasileira de Linguística. Disponível em: https://www.youtube.com/watch?v=MjCsJxfiXtg&t=1520s. Acesso em: 25 mai 2020.